Dans le livre "Le temps du maquis" (première édition) pages 142
Marc Parrotin a écrit :
La création d'un camp de Maquis pose le problème de trouver des ressources
financières pour payer le ravitaillement des réfractaires.
Il va falloir créer des comités de soutien qui collecteront dans chaque
commune argent, vêtements, chaussures et nourriture en évitant
d'ébruiter ce mouvement de solidarité qui va s'amplifier et durer
longtemps.
Ce sont surtout les J.C. qui vont se charger de ce soutien au Maquis. Dans
la région de La Souterraine, ils sont déjà nombreux, ces
jeunes communistes décidés et sûrs et l'on peut compter sur
eux à toute heure du jour et de la nuit. Ce seront Abel et Gilbert Coulon
de St-Priest, Donato et Fausto Comino de Lizières, André Lardy et
Alcide Vergnolle de Noth, Lucien Lacroix du Grand-Bourg, André Laforêt
de Librat... et d'autres dont la bonne volonté et le dévouement
se révéleront à toute épreuve.
Ils apporteront, en équipe, chaque nuit, jusqu'à la carrière de
Semme, le ravitaillement nécessaire à la vie du Maquis.
Le ravitaillement venait surtout de Montoys et des légaux de St Priest
et de Lizières.
J'allais surtout au ravitaillement. On allait chercher du pain chez moi à
Bordessoules à 4 kms, de l'autre côté de la voie de chemin de fer. C'était
le père de ma femme (L.) qui le faisait ainsi que la famille G..
On y allait à 4 et chacun ramenait une tourte ou deux.
Pour le ravitaillement du camp, nous allions à pied. Vers Semme, on récupérait
le pain et même d'autres produits. M. V. de Folles s'occupait du ravitaillement.
Des agneaux étaient pris dans les fermes. A Chabannes, il y avait un fermier que
nous contactions pour tuer les animaux et les découper.
Quand on arrive de la ville et qu'on s'est trouvé comme ça à manger comme
on mangeait. C'est merveilleux.
A Montautre, on a toujours bien mangé. Les paysans nous ravitaillaient.
Il fallait aller au ravitaillement à Semmes, au croisement des routes qui viennent
de Saint-Priest la Feuille, Néravaud, Commarteau et Semmes. Il y avait un petit champ.
On attendait que les copains de Noth arrivent avec le ravitaillement (F. , D.
et D. L. . Cela se faisait la nuit. Pour le ravitaillement, on allait aussi à Saint
Maurice à La Vallade de Bordessoulles. Chez le père de R. G.. On couchait des fois
dans une grange. Il y avait un gars qui était marié. Nous, on était couché dans des
gerbes de blé. Sa mère venait nous réveiller et nous disait : " Mes petits, c'est
temps de vous lever, vous allez prendre un café et vous allez partir. On partait.
On allait aussi au ravitaillement au Galateau de Saint-Pierre de Fursac, dans la ferme.
On allait chercher des moutons. "
Il reste encore des fermes qui ont participé au ravitaillement : Aux Forges de
Fromental : mon frère. Au Nouhaut: Chez G.
Quand on revenait du ravitaillement, on passait ici, devant la grange à Montoys à
travers champs. On était à pied, une dizaine. C'était dans des sacs sur le dos. C'est
là qu'un soir de pleine lune, on a vu des ombres qui passaient.
On partait la nuit, il fallait plus d'une heure à travers champ. De Semmes, on tombait
sur la route des peux qui s'en va sur Tancognaguet. On montait le talus et on venait
directement par ici. On passait au-dessus de la forêt de Lavaubarraud dans un champ
qui a des pierres (ça doit être à G.). Un matin, on venait du ravitaillement à Lizières
et on a cassé la croûte dans ce champ.
Pour le ravitaillement du camp, nous partions la nuit. Une fois, en revenant
de Puyresson, chez L. qui nous avait donné des pommes de terre, A. est tombé
dans une pêcherie. Il a failli se noyer.
Au camp, je m'occupais de la popote. Nous avions une chaudière pour faire cuire
les repas, et des gamelles. Une barrique qui avait été récupérée à Montoys servait
pour entreposer la viande. Je l'avais enterrée pour garder un peu de fraîcheur à
l'intérieur.
Je couchais souvent à La Quaire chez R. G. . A l'époque, on marchait.
Oh ! ces tourtes de pain, du pain d'époque. Les paysans de La Creuse. Chapeau !
On n'a manqué de rien
Quand on se déplaçait, on était pris par 2 paysans et plus loin, on était pris
par 2 autres etc.
Le dépôt de pain et de nourriture était à Semme (St Priest la Feuille). C'était
dans l'ancienne forge de G.. Il y a maintenant une boîte aux lettres qui est scellée
dans le mur de la maison à l'entrée du village. Il y avait certains jours qui
étaient fixés pour se rendre à Semme. E. G., A. L et G.L. y entreposaient la
nourriture qui avait été transportée par les légaux jusqu'à la " Font de la Couade ".
Les familles des maquisards faisaient parvenir aussi de la nourriture. Ma mère avait
fait parvenir des lapins.
Je n'ai participé qu'au ravitaillement. On passait à travers champ. L'un
avec le veau sur le dos est tombé dans le ruisseau, la tête dans l'eau. Il
a fallu le ressortir. Il avait 50 ou 60 kilos de viande sur le dos.
Il y avait trop de viande. Ils venaient avec leurs carrioles.
Un cultivateur faisait dans son champ près du camp des pommes de terre et des
légumes pour nous. Le cultivateur rentrait même au maquis.
Les maquisards circulaient la nuit, ils venaient par des chemins (SEMME -
LAVAUD BARRAUD - TANCOGNAGUET - MONTOYS) A Montoys, ils évitaient le village par
le côté sud. Il existait des chemins qui permettaient d'éviter les habitations de
la famille B. et de la famille A.. Ensuite ils rejoignaient ,à la sortie du village,
le chemin creux qui conduisait vers la châtaigneraie et le pré de R. T., à côté du bois.
Ce chemin a été modifié au remembrement, mais la piste qui existe aujourd'hui
se trouve à peu près au même endroit.
La famille C. et plusieurs familles du Nouhaud aidaient au ravitaillement
des maquisards. Pour cela, mon père allait tuer des veaux et des cochons
dans les fermes, la nuit.
Dès que le maquis de Montautre a été crée, nous avons été chargés du ravitaillement.
Deux fois par semaine nous transportions des provisions jusqu'à Semme chez E. G.. Ce
sont les maquisards qui venaient ensuite récupérer ce que nous avions amené.
D. L. achetait des bêtes à la campagne: un cochon, ou ce qu'il y avait .
Avec D. C. , K. C., D. L., A. C., on emportait dans des sacs, des quartiers de viande.
On les portait à vélo, à Semme, la nuit, à minuit, une heure .
Il y avait une petite "guitoune" (elle y est toujours d'ailleurs). On les posait dans
cette petite "guitoune" et eux les prenaient.
La petite "guitoune" est retirée de 30 ou 40 mètres de la route.
Une seule fois, ceux de Montautre qui venaient chercher la viande étaient arrivés avant
nous.
A Montautre, une véritable chaîne de ravitaillement fut mise en place. Le système des
triangles prit de l'envergure. Ce n'était plus un chef, c'était un groupe de
triangles. Certains étaient chargés de collecter denrées et couvertures nécessaires
à toutes personnes isolées dans les bois. D'autres les acheminaient dans un lieu
proche du camp. Là, les maquisards les récupéraient. Moi, je faisais partie du
groupe qui collectait la marchandise dans l'abattoir de G. de Lizières et
l'acheminait au Chiroux, dans la commune de Saint Pierre de Fursac, dans une
vieille maison inhabitée. Tout en assurant ce ravitaillement, on continuait
à distribuer les tracts.
En juin 1943 alors que le maquis était installé à Montautre, je fus désigné avec
Robert et Jean Stein, pour aller chercher des œufs dans la région de Noth (je ne me
souviens pas exactement dans quel village). C'était toute une expédition, une
remorque attelée derrière mon vélo, Robert et Jean qui la main sur mes épaules,
de chaque côté de moi, me poussaient dans les côtes. Il me semble que cette livraison
a été faite à Semme là où les maquisards de
Montautre l'ont récupéré.